LES ÉOLIENNES FERAIENT-ELLES PERDRE DES RESSOURCES FISCALES AUX COLLECTIVITÉS LOCALES ?

Auteur : Francis Pelletier 03 septembre 2021

LES ÉOLIENNES FONT-ELLES PERDRE DES RESSOURCES FISCALES AUX COLLECTIVITÉS ?

Depuis le printemps 2021, le lobby anti éolien national comme local communique abondamment sur le jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 décembre 2020 référencé 1803960. Nous parlons de lobby puisqu’ils abreuvent en continu les parlementaires et élus locaux de leur interprétation de ce jugement.

Les anti éolien prennent grand soin de ne pas joindre le texte du jugement que vous trouverez ci-joint et de seulement communiquer sur leur seule interprétation.

Ce lobby martèle à l’envi que ce jugement « affectera les ressources fiscales des collectivités locales confrontées à l’éolien ».

Avant d’analyser ce jugement à partir de ses attendus et vérifier le bien fondé de cette affirmation définitive, il est nécessaire d’expliquer comment l’administration fiscale opère pour définir la valeur locative d’un bien immobilier, appelée dans le jargon administratif VLC (valeur locative cadastrale) :

La VLC résulte de l’application de neuf paramètres qui interviennent dans la fiche de calcul :

1. Surface totale des pièces et annexes affectées à l’habitation (m²)

2. Catégorie du logement

3. Importance du logement

4. Surface des dépendances

5. Degré d’entretien

6. Situation générale

7. Situation particulière

8. Existence ou non d’un ascenseur

9. Équipement et confort mesurés en équivalences superficielles

Ces 9 paramètres sont actualisés, révisés régulièrement par l’administration dès lors qu’intervient un évènement venant modifier l’un d’eux. Par exemple un agrandissement de maison ou de dépendances, la démolition d’un garage, l’installation d’un équipement de confort (piscine, ascenseur, etc), ou à proximité la construction d’une autoroute, d’un aérodrome, d’une aire d’accueil de gens du voyage, d’une usine, etc. Ces révisions sont proposées annuellement par l’administration fiscale à la Commission Communale des Impôts Directs (CCID) de la Commune où se situe le bien immobilier et débattues, l’administration restant seule décisionnaire in fine.

Arrivons aux attendus du jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 décembre 2020.

Le contexte :

Un couple propriétaire d’une bâtisse qu’il habite comme résidence principale à Lys-Haut-Layon (49) a vu en juillet 2017 l’édification de 4 éoliennes à plus de 500 mètres et moins de 1000 mètres de chez eux, mises en service en novembre 2017.

Ils ont demandé aux services fiscaux de réviser la valeur locative et foncière de leur logement afin de voir leur charge fiscale baissée au motif de changement de leur environnement ; et ce à compter de l’année 2018. L’administration a refusé et ce couple a saisi le tribunal administratif pour obtenir gain de cause.

Le jugement :

Le tribunal constate que l’administration fiscale a appliqué une réduction de coefficient (-0,05) de situation générale (paramètre 6) du logement.

Le tribunal juge qu’ « il ne résulte pas de l’instruction que la situation générale de la propriété qui présente des avantages compensant partiellement les inconvénients occasionnés notamment par la présence des éoliennes, justifie l’application d’un coefficient à celui de -0,05 fixé par l’administration. Il y a lieu, dans ces conditions, de maintenir le coefficient de situation générale à -0,05 ». Les requérants sont donc déboutés de leur demande de décote supplémentaire.

Concernant les nuisances visuelles et sonores spécifiques à leur propriété, occasionnées par les éoliennes, le tribunal juge que la situation particulière (paramètre 7) de la bâtisse des requérants « ne saurait être regardée comme « ordinaire ». Dans ces conditions il y a lieu de faire partiellement droit à leur demande, en substituant au coefficient 0 le coefficient de situation particulière de -0,05 correspondant à une situation « médiocre » ».

Toutefois, le tribunal juge que cette situation « ne saurait être considérée comme « mauvaise » ainsi que le soutiennent les requérants. » Le tribunal a donc jugé la situation particulière comme médiocre et non mauvaise.

Enfin le tribunal juge que les requérants « sont seulement fondés à demander la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2018.»

Notre commentaire :

L’administration fiscale avait baissé de 5 % (-0,05) le coefficient de « situation générale » du logement suite notamment à l’installation des éoliennes. Cette baisse est pérenne. Mais l’administration s’était refusée à faire de même pour la « situation particulière » du logement.

A noter que les services fiscaux auraient fait de même s’il s’était agi d’une autoroute, d’une usine, d’une aire de gens du voyage, d’une nouvelle ligne de train, etc, sans doute avec un coefficient de minoration plus important.

Le tribunal a accordé une baisse de 5 % du coefficient au titre de la « situation particulière » du logement mais seulement pour l’année 2018. De plus il ressort du jugement que les requérants avaient demandé une décote bien plus importante et n’ont pas eu gain de cause.

Donc autant dire que le «gain» fiscal obtenu par les requérants est faible, très faible puisque ce sont les paramètres 1 à 5 qui pèsent le plus dans la détermination de la Valeur Locative Cadastrale. On pourrait dire :  tout ça pour ça !

La communication du lobby anti éolien laissait penser que la baisse des ressources fiscales des Communes où sont implantées des éoliennes seraient diminuées et générales. Nous lisons : « Pour la première fois en France un tribunal administratif prononce un jugement qui affectera les ressources fiscales des collectivités locales confrontées à l’éolien».

En fait, ce jugement n’a baissé que la valeur foncière de la propriété des requérants pour un an seulement et pour le seul paramètre « situation particulière ».

Dans la communication des anti éolien on lit que la baisse de la base d’imposition concerne « les habitants impactés ». Or il ne s’agit que du couple de plaignants et que pour un an, puisqu’un tribunal n’est pas en capacité de faire la loi, mais seulement de dire le droit dans un conflit qui oppose les parties en cause. Pour que tous les habitants puissent en bénéficier, il leur faudrait convaincre leur administration fiscale ou lancer une procédure collective ou individuelle. Pour un gain très faible si l’on se réfère à ce jugement.

La portée de ce jugement reste donc très faible et ne saurait être généralisé.

Régulièrement le lobby anti éolien avance que l’arrivée d’éoliennes conduit systématiquement à une dépréciation de la valeur immobilière de 20 % à 40 %, affirmation basée sur aucune base documentaire, aucune étude. Dans le sud Touraine, il n’y a pas encore d’éolienne installée et pour autant localement la valeur de l’immobilier a ces dernières années considérablement baissé, baisse due au déséquilibre offre – demande. Il aura fallu attendre l’arrivée du COVID 19 pour voir la demande exploser puisque nombre d’urbains se sont portés acquéreurs de biens en ruralité. Depuis les prix de vente augmentent. La valeur d’un bien immobilier n’est donc pas une fonction directe de la VLC, cette dernière ne disant rien du prix de vente.

Suite à ce jugement, les anti éolien martèlent : « sur le plan communal, la conséquence directe à prévoir est une baisse des revenus [fiscaux] pour la collectivité locale qui a accepté les éoliennes » oubliant de mettre en regard les rentrées fiscales supplémentaires liées à l’exploitation des éoliennes.

A titre d’illustration, pour la Commune du Petit Pressigny où est prévu l’installation de 8 éoliennes, les retombées supplémentaires annuelles seront :

  • pour la Commune de 61 500 euros
  • pour la communauté de Communes Loches Sud Touraine de 225 000 euros
  • pour le Département d’Indre et Loire de 112 500 euros

Pour que le Petit Pressigny perde de la ressource fiscale, il faudrait que les décotes fiscales accordées par l’administration fiscale aux habitants résidant à moins de 1 kilomètre soit supérieure à 61 500 euros.

Or au Petit Pressigny seule une vingtaine d’habitations sont situées à moins de 1 kilomètre des habitations de la première éolienne, et leur taxe foncière est de quelques centaines d’euros.

Avec la plus grande certitude nous pouvons affirmer que la Commune du Petit Pressigny ne verra pas ses revenus fiscaux baisser à cause des éoliennes, même si TOUS les riverains situés à moins de 1 km obtiennent une décote auprès de l’administration. Il en sera de même à Sepmes, Bridoré ou encore Charnizay.

Bref, une fois de plus, le lobby anti éolien surinterprète un évènement et le manipule pour agiter des peurs infondées. Ils ne prennent en compte qu’une partie de la question, omettant soigneusement de prendre en compte les nouvelles entrées fiscales générées par le parc éolien.

Nous reconnaissons bien là la rigueur intellectuelle du lobby anti éolien.

NON LES ÉOLIENNES NE FONT PAS PERDRE DES RESSOURCES FISCALES AUX COLLECTIVITÉS…BIEN AU CONTRAIRE !